Retour au bercail

Publié le par Alexandra et Etienne

Le 18 juillet à minuit, nous quittons Angra sous les cancans des cagaras, ces drôles d'oiseaux des Açores qui, la nuit, font un bruit de télé allumée. Une corne de brume retentit, Chintouna, Safran nous disent au revoir, bon vent et bon courage, il en faut !
C'est reparti pour un tour ... de gîte ! Exemptée de quart, j'ai dormi toute la nuit mais aussi tout le jour ! Etienne a repris ses offrandes à la mer en me disant "on oublie ce que c'est que le près", JM dit être barbouillé et n'est pas plus vaillant que moi. Voilà aussi pourquoi quand il est temps de partir, je n'ai pas vraiment d'entrain. Heureusement Lili et tous les autres sont au bout du chemin.

Même emploi du temps pour notre seconde nuit et journée, offrandes de Jean-Marie en plus. Ca manque d'animation tout ça ! Je ne souhaite tout de même pas le coup de vent annoncé sur notre zone pour réveiller les troupes, je préfère croire que nous sommes au sud du Force 7 à 8.

Du nouveau pour ce troisième jour, on cesse (un peu) de jouer les marmottes, les estomacs se remettent en place mais il ne faut pas trop jouer avec tout de même, on réclame des pâtes à bord pour ce soir, ca va se négocier car ce n'est pas simple une lourde cocotte sur cardan, beaucoup d'eau, une passoire, la renverse de beaucoup d'eau bouillante en visant bien 40° à côté ! Trève de plaisanterie, nous sommes dans le coup de vent, rafales à 40 noeuds, dans le c... Ce matin, on a tangonné le génois, heureux ça faisait 7 mois que ça n'était pas arrivé ! Puis on l'a enlevé, contraints, pendant la pause déjeûner évidemment, puis on s'est mis à la cape pour prendre un second ris, puis on (je!) a empenné, puis on a re-tangonné puis re-enlevé, là on a seulement la GV et on ne joue plus (si Etienne avec les boutons du pilote automatique), juste comme ça on atteint les 8 noeuds. Le déchaînement des éléments, des vagues surtout, nous pousse à l'humilité, nous sommes bien peu de chose, la nuit s'avère musclée ! On mériterait bien un peu de pâtes !

L'apocalypse du quatrième jour, bon ça y est j'entends d'ici "elle exagère !, l'est pas toulousaine pour rien !". Ouaih ben j'aimerais vous y voir vous à 9,7 noeuds SOG, juste avec la GV 2 ris. Il fait froid, il pleut, la mer est démontée et assaille le bateau de toute part, le vent... ben 40 noeuds. Dehors, ça mouille forcément, on ressort la panoplie complète du marin breton, ciré, bottes ; nous affalons totalement la voile, sortons ce que l'on appelle un slip à l'avant et vogue le bateau fantôme car à ce stade c'est tout le monde sur sa couchette privée (sinon, on se tombe dessus) et on attend que ça se passe. Vers 18 heures, on remet un peu le nez dehors, les éléments se calment. 20 heures, la GV (avec de nouveaux coulisseaux) est hissée avec 3 ris, le génois avec 2 ris, le vent a tourné, nous sommes au travers, faisons 6 noeuds sur une mer encore agitée (mais plus forte) et un vent devenu honorable jusqu'à 18 noeuds. Pourvu que ça dure... Je vais faire réchauffer les pâtes !

Resurrection day ! Pas de quart pour personne, cette nuit, c'est Docteur Furuno, Mister Radar qui a veillé. Du coup, au petit matin, frais et dispos, nous acceuillons cette cinquième journée ensoleillée mais fraîche. Un peu de moteur puis le génois est tangonné. Préparations cullinaires, tentative de pêche à la méduse avec une boîte de maïs perçée suspendue au bout de la gaffe. Il faut vous avouer que nous nous étonnons de voir des sortes de blanc d'oeuf consteller toute la surface de la mer depuis les Açores. De légers voiles blanc en forme de cône commencent à sortir et sur certaines d'entre elles apparaissent des tâches brunâtres. Leur nombre nous surprend vraiment, il y en a partout ! Quant à la pêche, la vraie, on tente, on essaie différents leurres mais rien ne mord. Dommage, aujourd'hui, nous avions de bonnes conditions pour le préparer et s'en régaler.


Pas de poisson donc mais quelques dauphins pour le coucher du soleil de la veille. Nous prenons goût au savoir-faire de Docteur Furuno, Mister Radar qui veille désormais jour et nuit. Je décide de l'éteindre afin de réveiller les troupes vers 17h30 et comme par hasard JM aperçoit un super tanker juste après. Notre sixième journée est plutôt hivernale, tout est gris. Une petit tarot s'impose avec tour de garde pour celui qui perd la partie seulement voilà que nous perdons la notion du temps, il est 18h45 TU or nous avons passé le quinzième méridien, nous devons donc ajouter une heure, il se fait tard pour jouer. Vais-je de nouveau devoir conclure ce paragraphe en causant boustifaille ?

Pour cette fin de semaine de navigation, la mer est belle, toujours infestée de méduses, le vent faible autour de 5 noeuds, le ciel nuageux avec éclaircies qui embellissent de petits moments simples à bord. La partie de tarot a été reportée à aujourd'hui, nous avons préféré papoter et manger tard hier soir. J'ai fini un livre magnifique de Jean-Louis ETIENNE, qui m'a littéralement transportée. Plus que 400 nautiques à parcourir, nous pensons arriver au début du week-end, ce qui nous laisse à rêver qu'un comité d'acceuil de durs travailleurs pourrait aisément nous rejoindre pour des retrouvailles intenses. Mais ce sera la migration des gnous, alors lesquels seront au rendez-vous ?
"Bon, je vous préviens, on mange dans 10 minutes", JM rentre dans sa chambre s'habiller, sa porte claque, "C'est quoi ce bruit, vite le régime du moteur s'est emballé !", Etienne sort dans le cockpit, décélère, "eh, il y a un truc qui gratte, éteins", on éteint, JM sort de sa cabine "Qu'est-ce qui se passe ?", on rallume, Etienne signale en haut que le témoin de l'alternateur s'allume, le compte tour est devenu fou, je vois en ouvrant le moteur en bas, que la courroie est détendue, un aérateur fait "ggrrrrtt !", on arrête tout. Il est plus de 21 heures, on mange, un peu tourmentés, si c'est l'alternateur, ça veut dire plus de quoi faire de l'électricité, mis à part l'éolienne et le panneau solaire. A contre coeur, On décide de reprendre les quarts, Docteur Furuno, Mister Radar restera éteint. Nous venions d'envisager de toucher la côte française vendredi 28 au soir, tout paraît compromis, du 5 noeuds est prévu, sans moteur, on ne va pas aller bien vite !

Nous sommes le 25 juillet, ce jour, le lever ainsi que le coucher du soleil sont extaordinaires, comme je n'ai plus peur du ridicule et que j'ai vraiment ressenti des choses fortes ce matin là, nous vous en livrons un extrait. Quelque fois, à l'unissons avec la nature, le sentiment de bien-être est délicieux !

Eau de Soleil

J'ai vu la lueur
J'ai vécu l'instant
J'ai vu la couleur
J'ai senti le moment
j'ai vu le bonheur
J'ai attendu le temps
J'ai senti la chaleur
J'ai vécu intensément
Tout est calme, la mer, le vent
L'infini prend des teintes nuancées
Tout autour, le décor de beauté est dément.
Tels des montagnes, les nuages enneigés
Ourlent les vagues aux reflets mordorés
D'un coup, de l'autre côté,
Il est arrivé,
Il s'est enfin levé.
Il dessine un éclair dont je perçois l'éclat
Il se fraie un passage au travers de l'émoi.

 

La journée est relativement calme, ponctuée de passages de cargos. Les hommes s'affairent autour du moteur, le diagnostic est clair, nous n'avons plus d'alternateur, une diode a fondu. En fin d'après-midi, un ballet aquatique, rare ces derniers temps, nous permet de nous évader avec ces joueurs invétérés. Merci à vous les dauphins !
La nuit se passera au moteur.

Au matin, une apparition, à l'avant du bateau, un dos noir et luisant, un petit aileron à l'arrière, le cétacé revient à la surface, 20 mètres à gauche du bateau, il souffle paisiblement, que c'est grand ! Dès lors que je me saisis de caméra et d'appareil photo, ce sera fini, le souffle va s'éloigner. Encore un moment qu'Etienne et moi garderons précieusement. Dans la journée, le vent va se lever, nous dérangeant en mangeant. Le soir, toujours au moment de passer à table, les orages s'invitent, s'enchaînant les uns derrière les autres, entraînant la pluie et les rafales avec eux. Les prévisions à 5 noeuds sont bien loin ! La nuit, tous les cha-lutiers sont gris, sauf sous les éclairs !

Les orages sont plus violents la nuit que le jour. Aujourd'hui 27 juillet, encore une apparition ce matin, le dos n'est pas noir cette fois, plutôt blanc et poilu, JM sort de sa cabine pour son "hello" quotidien, avec pour seuls apparâts son maillot de bain et ... son bonnet de laine ! Il avait sûrement piscine ! on est un peu fatigués, on récupère de nos quarts à tour de rôle. Ce soir, Meteo-France lance un avis de coup de vent (force 8) pour les 2 jours suivants ...  et les orages sont annoncés violents. Les derniers milles se feront donc à la voile (sous 2 voire 3 ris) !

La mer veut nous garder encore un peu, nous sommes aux abords des côtes dès l'aube de ce vendredi 28 juillet, cependant la marée basse nous retient pour quelques heures encore au large. Dans la nuit, parmi tout un tas de chalutiers puis sous la brume et la grisaille, nous apercevons le phare de Cordouan. Impression bizarre à l'approche de ce grand pays qu'est la France dont nous n'apercevons que quelques dunes, des constructions au ras de l'eau. Ici, l'eau est trouble infestée de méduses. Pas de relief, tout est plat. Ce n'est pas simple de s'engager dans l'estuaire de la Gironde, il y a des déferlantes et des bancs de sable aux alentours du chenal, il faut jouer avec la marée, les courants, nous restons vigilants jusqu'au dernier moment. A 17 heures, nous descendons sur l'un des jeunes pontons de Port Médoc pour y amarrer notre bateau. Vraiment étrange cette sensation d'être attendu alors que personne ne sait d'où l'on vient, frustrant cette envie de raconter ce long périple alors que ça n'interresse personne mais excitant le fait d'être là en France, d'annoncer au proche notre arrivée et d'apprendre en retour qu'un nouveau petit être est venu sur cette terre le même jour que nous, il s'agit de mon filleul.

Dès le lendemain, nous sommes aller rôder sur la plage à côté, loucher sur les optimistes, les 4.70 et autres barquettes flottantes voir si le voeux de notre petite fille peut se poursuivre ici : elle veut apprendre à faire du bateau ! On lui fera part des informations obtenues le soir même en la serrant plus que fort dans nos bras.

Le récit de voyage se termine là, nous sommes déjà nostalgiques.

Publié dans Grandes navigations

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S
coucou<br /> ici l'équipage de Chintouna. Nous espérons que le retour n'est pas trop dur... Mais je crois que de toutes les façons c'est dur. Nous avons hâte de repartir, et vous ?<br /> nous attendons de vos nouvelles pour vous en envoyer d'autres.<br /> A bientôt<br /> Sonia Brice et Awen
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C
Après avoir suivi votre voyage, bienvenue à vous 3 sur le plancher des vaches. Bravo pour cette expédition chargée de mille souvenirs. Bisous.
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